Son nom était sur toutes les lèvres. Depuis la fuite de l’autocratique première ministre Sheikh Hasina, lundi 5 août, Muhammad Yunus, 84 ans, Prix Nobel de la paix 2006, était pressenti pour diriger le gouvernement intérimaire de son pays, le Bangladesh. C’est désormais confirmé : le gouvernement de transition sera formé « avec Yunus comme chef », une décision prise à l’issue d’une longue rencontre, mardi 6 août, entre le président de la République, Mohammad Shahabuddin, dont le rôle est largement protocolaire, de hauts dignitaires de l’armée mais aussi les leaders étudiants de la coalition Students Against Discrimination.
Après avoir mené la fronde qui a causé la chute de Sheikh Hasina, les étudiants ont appelé Muhammad Yunus à la rescousse et ont officiellement proposé son nom dès mardi matin. L’intéressé affirmait encore la veille que la politique n’était pas « sa tasse de thé ». Mais, au vu des circonstances, l’économiste n’a pas pu refuser. « J’ai toujours mis la politique à distance », a-t-il reconnu dans une déclaration écrite à l’Agence France-Presse. « Mais aujourd’hui, s’il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, alors je le ferai », a-t-il expliqué, depuis Paris, avant de retourner bientôt dans son pays.
Né en 1940 à Chittagong, la grande ville portuaire du sud du Bangladesh, Muhammad Yunus a reçu le prix Nobel de la paix pour sa contribution au développement économique de son pays. Grâce à sa politique de microcrédits et la création d’une banque de prêts aux paysans, la Grameen Bank, il a participé à l’éradication de l’extrême pauvreté au Bangladesh. « Les êtres humains ne sont pas nés pour souffrir de la misère, de la faim et de la pauvreté », avait déclaré Muhammad Yunus en recevant le prestigieux prix. Surnommé le « banquier des pauvres », il confiait, en 2006, au Monde, se voir plutôt en « prêteur d’espoir ».
Fort de son immense popularité, le charismatique Muhammad Yunus avait, en 2007, brièvement envisagé de créer un parti politique. Ce projet, rapidement abandonné, lui a néanmoins valu de s’attirer l’inimitié persistante de Sheikh Hasina. La « bégum de fer » voyait en lui un rival. Elle en avait fait sa bête noire et avait mis l’appareil de l’Etat au service de sa vendetta personnelle.
« Jour de libération »
L’ex-première ministre l’humiliait dans ses discours et l’accusait régulièrement de « sucer le sang des pauvres » en pratiquant des taux d’intérêt relativement élevés. Muhammad Yunus faisait l’objet d’un véritable harcèlement judiciaire et était poursuivi dans plus d’une centaine d’affaires. En janvier, il a été condamné à six mois de prison par un tribunal de Dacca pour avoir enfreint le droit du travail. Libéré sous caution dans l’attente de l’appel, il a toujours nié les faits.
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